L'origine des minéraux

2.1.5 - L'origine des minéraux


Les principaux processus qui conduisent à la formation de minéraux sont les suivants.

La cristallisation par refroidissement d'un magma

Nous savons tous que la matière peut exister sous trois états, solide, liquide ou gazeux. La température et la pression sont les deux principaux facteurs qui règlent l'état sous lequel se trouve la matière. Le diagramme qui suit se nomme un diagramme de phases; c'est celui de l'eau. Il illustre de façon simple les relations entre états de la matière et température-pression.

Il montre que l'eau peut exister sous trois états, solide, liquide ou gazeux (vapeur), selon les conditions de température et pression. On voit par exemple, qu'à pression ambiante (1 atm.), on n'obtiendra jamais de l'eau liquide plus chaude que 100° C, mais qu'à pression plus élevée, cela est possible; c'est le cas de la cocotte-minute. Tout au long des courbes solide-liquide et liquide-vapeur, les deux phases sont en équilibre. Au point triple, les trois phases sont en équilibre. Dépassé le point critique, défini par la température critique (Tc) et la pression critique (Pc), les phases liquide et gazeuse ne peuvent plus être distinguées. De tels diagrammes ont été construits pour plusieurs minéraux et sont très utiles pour connaître l'état de ces minéraux sous des températures et pressions variables comme c'est le cas à l'intérieur de la croûte terrestre ou du manteau. Ainsi, chaque minéral possède son point de fusion (passage du solide au liquide) qui correspond aussi à son point de cristallisation (passage du liquide au solide) à une pression donnée.

Plusieurs minéraux de la croûte terrestre cristallisent à partir d'un magma, c'est-à-dire, de la roche fondue. Cette cristallisation obéit à certaines règles. Dans un magma dont la température est supérieure à 1200° C, comme au niveau du manteau supérieur par exemple, les minéraux sont tous sous leur phase liquide. Si ce magma est introduit dans la croûte terrestre, il subit un abaissement de pression et se refroidit progressivement. En supposant qu'on maintienne la pression constante, c'est-à-dire, à un niveau constant dans la croûte, les minéraux cristallisent lorsqu'ils atteignent la température correspondant à leur limite solide-liquide (température de cristallisation). Comme cette limite n'est pas la même pour tous les minéraux, ceux-ci ne cristallisent pas tous en même temps, mais à tour de rôle, selon leur température de cristallisation, à mesure que se refroidit le magma. C'est ce qu'exprime le diagramme qui suit.

Avec un abaissement de la température du magma, les minéraux dont la température de cristallisation est la plus élevée sont les premiers à cristalliser. Le premier est l'olivine. Le second groupe à se former comprend les pyroxènes. A ce stade, le magma aura épuisé son bagage en olivine. Puis avec la cristallisation des amphiboles, puis de la biotite, le bagage en pyroxènes est épuisé. Avec l'abaissement progressif de la température, suivent le quartz, les feldspaths potassiques et la muscovite. On a donc une suite de cristallisation bien définie, contrôlée par la température. On appelle cette suite une suite discontinue, parce qu'il s'agit dans chaque cas de minéraux distincts (composition et structure cristalline distinctes). Dans ce diagramme, il y a aussi une suite continue, celle des feldspaths plagioclases. On dit une suite continue, parce que la seule variable significative est la proportion de calcium par rapport au sodium. A l'extrémité "chaude", on a le plagioclase calcique (CaAl2Si2O8, anorthite) et, à l'extrémité "froide", le plagioclase sodique (NaAlSi3O8, albite).

Cette suite de cristallisation a été établie par Normand Bowen, en 1928. Elle demeure valide dans ses grandes lignes, mais dans le détail, il y a des variations selon les conditions locales, comme par exemple les quantités d'eau ou de gaz dans les magmas.

A mesure que les minéraux cristallisent dans la chambre magmatique, i.e. dans la poche où s'est introduit le magma, les cristaux sédimentent, s'accumulent à la base de la chambre. Il se fait donc une ségrégation, et les roches issues de la cristallisation du magma (roches ignées) auront des assemblages de minéraux différents selon qu'on est à la base, au milieu ou au sommet de la chambre magmatique. Ainsi, le premiers assemblage à se former est un assemblage d'olivine et de pyroxènes : c'est l'assemblage ultramafique. Ensuite, il y a un assemblage de pyroxènes et d'amphiboles : c'est l' assemblage mafique. Un assemblage d'amphiboles, biotite et quartz est qualifié d'assemblage intermédiaire, tandis qu'un assemblage des minéraux les plus "froids", est qualifié de felsique. On parle donc de roches ignées ultramafiques, mafiques, intermédiaires ou felsiques (voir plus bas).

La formation des agates

Bien qu'à première vue ce ne soit pas évident, il y a toutes sortes de fluides, de solutions, qui circulent dans les roches de la croûte terrestre, et ce, à des profondeurs très importantes, allant jusqu'à plusieurs kilomètres. Les vitesses de circulation ce ces fluides sont très lentes, mais il faut se placer dans une perspective de temps géologique. Ces solutions circulent, entre autres, dans les grandes fractures. Elles peuvent provenir des zones chaudes du manteau et être constituées de l'excès de vapeur d'eau d'un magma. Ou encore, il peut s'agir de l'eau qui avait été piégée dans les bassins sédimentaires profonds. Si ces solutions sont sursaturées par rapport à certains sels ou minéraux, elles vont les précipiter. Ainsi, les beaux spécimens à grands cristaux qu'on retrouve dans des veines proviennent d'un tel processus. L'or et l'argent de ces veines ont été formés ainsi.

Ces belles géodes ou ces belles agates qu'on nous vend dans les boutiques de minéraux ont été formées par la précipitation de minéraux dans une cavité de la roche, à partir d'une solution. Par exemple, le quartz (SiO2) des agates a été précipité à partir de fluides sursaturés par rapport à la silice et circulant dans les formation rocheuses. S'il y a dans ces formations rocheuses des cavités, comme c'est souvent le cas dans des roches volcaniques par exemple, le quartz va précipiter sur les parois de la cavité pour former une première couche de cristaux.

On aura à ce stade une géode, c'est-à-dire, une cavité tapissée de cristaux. Avec le temps et la poursuite de la circulation des fluides sursaturés en silice, d'autres couches vont successivement se former. Leur composition peut varier avec des variations dans la composition des fluides. C'est ce qui produit souvent des différences de couleurs entre les diverses couches d'une agate. Certaines agates montrent une cavité centrale, comme dans l'illustration ci-dessus, simplement parce que les processus de précipitation n'ont pas été complétés jusqu'au remplissage total de la cavité.

La formation des dépôts de cavernes

Des dépôts spectaculaires comme les stalactites et les stalagmites des cavernes se forment à partir d'une solution riche en sels minéraux, laquelle subit un dégazage important lorsqu'elle atteint les parois internes de la caverne. Les cavernes sont creusées dans des terrains calcaires sous l'effet d'une dissolution à grande échelle par les eaux de pluies qui sont naturellement acides (d'où la dissolution) et qui, s'infiltrant dans les fractures, aggrandissent progressivement ces dernières pour finalement créer tout un réseau de cavernes et de galeries souterraines. Les stalactites et les stalagmites, ainsi que les autres formes de dépôts (boucliers, draperies, etc.), sont composés de calcite, plus rarement d'aragonite (une forme métastable du CaCO3), et se forment par précipitation sur les murs et le plancher de la caverne à partir de l'eau qui ruisselle.

Cette eau provient de la surface, par infiltration à travers les fractures du calcaire. Cette solution contient du CO2 et passablement d'ions calcium (Ca2+) et de radicaux HCO32- acquis de la dissolution des calcaires. Dans les roches juste au-dessus de la caverne, la pression du CO2 contenu dans la solution se trouve à plusieurs atmosphères, à cause du poid de la roche (pression lithostatique dans les calcaires : 2,7 atmosphères/10 mètres ou 270 atm/km). Lorsque la solution arrive aux parois de la caverne, sa pression passe subitement de plusieurs atmosphères à une atmosphère, puisque la pression dans la caverne est à peu près la même que celle de la surface du fait que la caverne communique avec la surface. Il se produit alors un phénomène de dégazage du CO2. L'équation sur le schéma est l'expression chimique du processus. La variable la plus mobile dans cette équation est le CO2, un gaz. La perte subite de pression fait que la solution dégage du CO2. D'ailleurs, on voit toujours dans l'eau qui ruisselle sur les murs d'une caverne, des bulles de CO2 qui s'échappent. Ce dégazage de la solution force un rééquilibrage chimique : la réaction se fait de la gauche vers la droite et le CaCO3, la calcite, précipite au toit (stalactites, draperies), sur les murs et au plancher (stalagmites, boucliers) de la caverne pour former ces structures spectaculaires.

Les minéraux de la séquence évaporitique

Plusieurs cristaux, et parmi les plus beaux spécimens, se forment aussi à partir de solutions sursaturées en certains éléments chimiques, c'est-à-dire une solution qui contient plus de sels qu'elle ne peut en dissoudre. Les cristaux précipitent à partir de la solution selon divers processus. L'évaporation est un de ces processus. Un bon exemple est la suite de minéraux qui précipitent quand s'évapore de l'eau de mer. Les schémas qui suivent illustrent de façon très simplifiée comment se forme cette suite.

L'eau de mer contient une panoplie importante d'ions en solution, dont des ions positifs tels le calcium, le sodium et le potassium, des ions négatifs tels le chlore, et des radicaux négatifs comme CO3 et SO4. L'évaporation ne se débarasse que de l'eau, ce qui fait qu'au fur et à mesure de l'évaporation, la solution devient de plus en plus saline, c'est-à-dire que les sels se concentrent de plus en plus.

L'eau de mer normale a une salinité de l'ordre de 35 ppm. A cette salinité, elle est légèrement sursaturée par rapport au carbonate de calcium, CaCO3 (calcite et aragonite). Ce dernier précipite naturellement et dépose une couche de cristaux de CaCO3 au fond du bocal.

Avec la poursuite de l'évaporation, et par conséquent l'augmentation de la salinité, la solution devient sursaturée par rapport à un autre sel, le CaSO4 hydraté (gypse); la solution (le milieu) est dite pénésaline. Le gypse précipite. Puis, avec encore une augmentation de la salinité, vient la phase de précipitation du chlorure de sodium, NaCl (halite, le sel commun); la solution (le milieu) est dite saline.

La dernière phase avant l'évaporation totale est le chlorure de potassium, KCl (sylvite, communément appelée potasse); la solution (le milieu) est hypersaline.

On obtient donc une suite bien spécifique de minéraux précipités à mesure de l'évaporation de l'eau de mer. C'est la suite évaporitique ou ce qu'on appelle plus communément les évaporites. Au moins trois de ces minéraux interviennent dans les activités humaines: le gypse, entre autre pour la fabrication des panneaux de gypse, le sel de table et ... de routes, et la potasse dans les fertilisants.

Si on tentait d'obtenir la suite évaporitique en évaporant l'eau d'un seul bocal d'eau de mer, on obtiendrait très peu de produits. Il faut que les choses se passent à beaucoup plus grande échelle. Comment cela se traduit-il dans la nature?

La précipitation des minéraux évaporitiques se fait, entre autres, dans les grandes lagunes en bord de mer, lagunes qui se mesurent en plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres carrés, dans des régions où l'évaporation excède la précipitation.

Le gros de l'alimentation en eau de ces lagunes vient de la mer. L'évaporation concentre la solution et les minéraux évaporitiques s'accumulent au plancher de la lagune. Pour une région donnée, il s'établira une sorte d'équilibre entre l'alimentation de la lagune en eau marine et l'évaporation, ce qui fait que la salinité de l'eau demeurera à peu près constante. En fonction de cette salinité, c'est l'un ou l'autre des minéraux de la séquence qui précipite. Le plus souvent, on oscille entre la calcite et le gypse; on se rend plus rarement au sel et encore moins souvent à la potasse. Il n'en demeure pas moins que c'est ainsi que se sont formés, tout au long des temps géologiques, ces grands dépôts de sels (ex., Iles-de-la-Madeleine durant le Carbonifère) ou de potasse (ex., en Saskatchewan au Dévonien).

Dans une variante du système évaporitique, les minéraux cristallisent et croissent à l'intérieur du sédiment. Il s'agit de grandes plaines en bordure de mer qui s'étendent sur des centaines de kilomètres carrés, mais dont la surface est à peine quelques mètres au-dessus du niveau marin. C'est ce qu'on appelle la sebkha. On trouve, entre autres, de ces sebkhas dans le Golfe Persique et dans le nord-ouest de l'Australie.

Le sous-sol de ces grandes plaines est alimenté principalement par l'eau marine. L'évaporation qui se fait à la surface de la plaine augmente la salinité des eaux souterraines qui précipitent alors les minéraux évaporitiques. Le plus souvent, le système se stabilise au gypse, avec parfois des cristaux de sel. Les minéraux cristallisent et croissent à l'intérieur même du sédiment. La sebkha ne se développe pas exclusivement en bordure de mer, mais partout où on peut concentrer des eaux salines dans la nappe phréatique et les évaporer. Ainsi, certaines plaines dans le désert où on a concentré périodiquement des eaux salines provenant de l'érosion de formation riches en sels minéraux contiennent des minéraux évaporitiques. Les magnifiques roses des sables sont un exemple de ce phénomène. Elles se sont développées à l'intérieur des sables d'une sebkha désertique et sont composées de grains de sable cimentés par du gypse, de là les formes cristallines de ce dernier.


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