Le corail

Le corail


L'animal corail

Le grand responsable de la construction des récifs actuels est le corail. Il peut être décrit, d'une manière simple, comme étant un polype vivant dans une coupe rigide composée de carbonate de calcium (CaCO3), le minéral commun calcite ou aragonite. Il appartient à l'embranchement des Cnidaires dont le mode d'organisation est le plus simple parmi les animaux multicellulaires (métazoaires), tout comme ses frères et soeurs les méduses, les anémones, les pennes de mer et les millépores. Le polype est un animal dont le corps est cylindrique, avec une bouche entourée d'un anneau de tentacules. En fait, à quelques différences mineures près, il s'agit d'une anémone miniature. Il secrète lui-même la coupe d'aragonite ou de calcite dans laquelle il vit. Le corail moderne, constructeurs de récifs, appartient à l'ordre des Scléractiniens qui eux-mêmes font partie du groupe des Zoanthaires, les coraux durs (en anglais : les "stony corals").

Les coraux peuvent être solitaires (une seule coupe, un seul polype) ou coloniaux. Dans ce dernier cas, les coupes, avec chacune un polype, se soudent les unes aux autres pour former une colonie qui comprendra des milliers d'individus clones, une sorte de condominium dans lequel les locataires y trouvent un avantage écologique à plusieurs niveaux: protection, alimentation, reproduction, stabilité génétique, respiration. Les vitesses de sécrétion par les polypes, et par conséquent de croissance des colonies, sont impressionnantes, pouvant aller jusqu'à 10 cm par année, et les colonies peuvent atteindre des tailles de quelques mètres. Ci-dessous, le corail Acropora palmata.

Cette colonie faisant près de 2 mètres de hauteur est capable d'offrir une grande résistance à l'énergie des vagues (barrière récifale, Keys de Floride). De manière générale, la croissance de la colonie se fait préférenciellement vers la haute mer (ici vers la gauche).

Ces deux photos montre le squelette de carbonate de calcium (CaCO3, aragonite) d'Acropora palmata débarassé de sa matière organique. À gauche, le squelette montrant la multitude de petites loges qui contenaient chacune un polype (hauteur: 30 cm); à droite, un gros plan montrant les loges qui possèdent un diamètre de 1 mm.

La grande efficacité du corail dans la métabolisation du carbonate de calcium découle d'une symbiose entre le polype et des algues photosynthétisantes, dinoflagellées et zooxanthelles. Cet avantage naturel est toutefois assortie d'une limitation importante: ces coraux ont besoin de lumière pour proliférer. Les coraux à symbiotes algaires sont appelés les hermatypiques. Il existe aussi des coraux ahermatypiques, moins performant dans la métabolisation du carbonate de calcium, mais qui se retrouvent jusqu'à plusieurs centaines de mètres de profondeur, là où il n'y a plus de lumière. Les coraux à symbiotes algaires sont intolérants, en ce sens qu'ils ne prolifèrent que dans des fourchettes de température, de salinité et de profondeur bien déterminées : entre 18 ° et 36 °C (optimum 25-29 °) pour la température, entre 27‰ et 40‰ (optimum 36‰) pour la salinité, et à moins de 70 mètres de profondeur (optimum de 0 à 20 m). Voilà pourquoi on ne retrouve les récifs coralliens que dans les mers tropicales, soit entre les latitudes 30° sud et 30° nord, à une exception près, les Bermudes (32° N), où les eaux chaudes du golfe Stream permettent leur prolifération, mais avec une diversité diminuée.

L'écosystème récifal corallien est un système très dynamique: forces constructrices et forces destructrices s'y opposent. Les édifices coralliens s'élèvent à plusieurs mètres et même dizaines de mètres au-dessus du fond marin. La croissance des coraux est rapide, amenant une croissance rapide de l'édifice. On cite des taux de 3 cm/année. Par contre, les forces destructrices (énergie des vagues, fluctuations du niveau des mers, changements de températures, prédation, activités anthropiques) peuvent aussi être très efficaces. Selon les forces dominantes, on assistera à la destruction ou à la croissance de l'édifice corallien. En général, si les conditions qui ont amené l'implantation de l'écosystème sont maintenues sur une longue période et ne sont pas perturbées par des événements catastrophiques (comme des changements du niveau des mers reliés aux glaciations ou à la tectonique des plaques), le système récifal maintient une croissance rapide.

Les coraux montre des formes de croissance de leurs colonies variables, en grande partie, selon le niveau d'énergie du milieu ambiant, principalement relié à l'action des vagues. Ainsi, dans les milieux de faible énergie, ils vont développer des formes relativement fragile, comme Acropora cervicornis formant des édifices dans la zone arrière-récifale protégée des vagues (ci-dessous; zone lagunaire de la barrière de Floride).

Dans des milieux où l'énergie des vagues est élevée, comme dans la zone des brisants, à très faible profondeur, les colonies devront être très robustes pour résister, comme ci-dessous où les colonies coralliennes massives d’Acropora palmata forment un véritable rempart à l'énergie des vagues. À remarquer la faible profondeur d’eau; le sommet des Acropora marque la limite de la marée basse. Hauteur des Acropora: 1 à 2 mètres. Zone récifale de Grand Cayman, Mer des Caraïbes.

Ci-dessous, une autre vue de la zone récifale à fleur d'eau de Grand Cayman montrant les formes robustes d’Acropora palmata (en arrière-plan) offrant peu de prise à la vague et de Montastrea annularis (formes bulbeuses en avant-plan), capables de résister à de fortes vagues de tempêtes. À noter la présence de coraux alcyonariens (coraux mous; coin inférieur droit en avant-plan et centre de la photo). À remarquer aussi la faible profondeur d’eau; le sommet des Acropora est à moins de 1 mètre de la surface de la mer. Hauteur des Acropora: 1 mètre environ.

À des profondeurs de quelques mètres sous la surface de la mer (5 à 10 mètres), les colonies d'Acropora présentent des formes plus évasées qui n'auraient pu résister à l'énergie élevée des zones de plus faible profondeur parce qu'offrant une plus grande prise à la vague (ci-dessous; barrière récifale de Floride).

À des profondeurs avoisinant la dizaine de mètres, soit en-dessous des vagues de beau temps, les formes fragiles peuvent se développer. Ci-dessous, le retour d'Acropora cervicornis, à 30 mètres de profondeur, bien en-dessous des vagues de temps normal. À noter qu'il ne reste que la lumière bleue à cette profondeur. Front récifale de Grand Cayman, Mer des Caraïbes.

Autour des 70 mètres de profondeur, ce sont les derniers coraux hermatypiques. Dépassé cette profondeur, la lumière n'est pas suffisante pour assurer la survie de leurs symbiotes. À remarquer la présence des fragiles Acropora cervicornis et comment les colonies de Montastrea s'étalent pour capter le mieux la lumière. Front récifale de Grand Cayman, Mer des Caraïbes.

L'écosystème récifal qui repose principalement sur la bonne santé d'un seul élément, le corail, est aujourd'hui en danger.

Pour en savoir plus à ce sujet, consultez le Numéro de novembre 1997 de Québec Science, La mort lente du corail, par Pierre-André Bourque.